[BLOG] L’entrepreneuriat au feminin

Entrepreneuriat au feminin - La Pena Business Club

Bill Gates, Carlos Slim, Amancio Ortega, Steve Jobs, … Ils font partis des plus grands et plus célèbres entrepreneurs reconnus à l’échelle mondiale. Oui, mais pas seulement ; ce sont tous des hommes. Comme Patrick Juvet en 1977, nous nous demandons alors : « Où sont les femmes ? ». L’entrepreneuriat féminin n’est pas une nouvelle tendance. Disparités géographiques, effets de genre dans le processus d’internationalisation et principaux freins et drivers, voici un aperçu de ce mouvement qui prend toujours plus d’importance.

 

Un tiers des entreprises à travers le monde sont dirigées par des femmes

Aujourd’hui, les femmes sont à la tête de plus d’un tiers des entreprises mondiales. Nous pourrions donc déjà avoir de quoi se réjouir ! Cependant, la majorité de ces entreprises sont des microentreprises situées dans les pays en développement. Leur potentiel de croissance est alors limité. Au-delà de la sous-représentation des femmes dans les entreprises de toutes tailles, les attitudes sociétales et les normes sociales empêchent certaines femmes de même envisager la création d’entreprise.

Portées par les mêmes motivations et avec les mêmes chances de réussir, les femmes sont nettement moins nombreuses que les hommes à créer et diriger des entreprises, et quand elles entreprennent, elles restent souvent confinées à de très petites entreprises. En effet, l’entrepreneuriat est traditionnellement perçu comme un attribut masculin, ce qui expliquerait la tendance à associer les pratiques entrepreneuriales aux hommes. Les femmes doivent alors travailler davantage pour démontrer toutes leurs compétences et faire valoir leurs capacités.

 

Cette situation ne pénalise pas seulement les femmes, mais restreint également leur capacité de contribuer au développement économique de leur territoire. L’OIT (Organisation Internationale du Travail) estime que 50% du potentiel productif des femmes dans le monde est sous-utilisé, contre 22% pour les hommes.

Ces dernières années, des progrès ont été faits en matière de diversité et de mixité – cela est même souvent perçu comme des outils essentiels de performance de l’entreprise. Les femmes entrepreneures ont un réel impact à travers le monde, mais contribuent également à la croissance et au bien-être de leurs sociétés. Les femmes entrepreneurs fournissent des revenus à leurs familles, des emplois à leurs communautés, ainsi que des produits et services qui apportent une nouvelle valeur au monde. Leur rôle dans le développement économique des pays est indéniable et suscite l’intérêt des politiques et des institutions. Selon l’étude du Global Entrepreneurship Monitor édition 2016-2017 [GEM, l’une des plus grandes études sur l’entrepreneuriat dans le monde, NDLR], 163 millions de femmes dans le monde ont créé une entreprise et 111 millions en dirigent une déjà constituée. Un chiffre en progression de 10 % depuis l’édition 2014-2015 et qui se rapproche des taux masculins.

 

L’entrepreneuriat féminin fait face à de réelles disparités géographiques

L’entrepreneuriat féminin peut être perçu comme le fer de lance de l’économie des pays africains. Selon la nouvelle étude WIA Philanthropy de la fondation WIA Initiative, 24% des femmes africaines en âge de travailler sont des entrepreneures. Ce pourcentage est le plus élevé au monde. Cependant, ce chiffre reflète une autre réalité : les femmes entreprennent parce-qu’elles n’ont pas toujours accès au marché de l’emploi formel et qu’entreprendre est une façon pour elles de créer leur emploi. Ce phénomène se retrouve aussi dans certains pays d’Amérique du Sud et d’Asie. Afin de favoriser l’éclosion d’un entrepreneuriat féminin dynamique, l’accent est de plus en plus mis sur la formation et la sensibilisation – la formation pour leur donner les clés et les compétences techniques nécessaires à la création, à la gestion et au développement d’une entreprise, la sensibilisation parce-qu’il existe encore de nombreux préjugés sociaux et contraintes personnelles souvent en relation avec la conciliation travail-famille.

Il semble donc que la précarité de certaines femmes favorise leur promptitude à entreprendre – lorsqu’elles ont moins à perdre, les femmes prennent plus de risques. Il n’y a pas seulement la précarité qui influe : dans ces pays, plus l’étau se resserre entre l’égalité hommes/femmes, moins les femmes entreprennent et préfèrent la sécurité de l’emploi pour notamment s’occuper des enfants. En somme, plus le contexte est hostile, plus les femmes entreprennent. Cela expliquerait donc pourquoi les femmes occidentales sont plus frileuses à l’idée de se lancer.

 

Toujours selon le GEM éditions 2016-2017, l’entrepreneuriat féminin ne répond en effet pas aux mêmes motivations d’un continent à l’autre. Il existe un entrepreneuriat de nécessité (ou « Necessity-driven entrepreneurship ») que l’on retrouve principalement dans les pays en développement qui se trouvent en Afrique, en Asie et encore en Amérique Latine. Dans certains de ces pays, l’entrepreneuriat féminin dépasse même l’entrepreneuriat masculin. En Europe, et dans les pays développés en général, ce n’est pas du tout le cas.

L’étude révèle que plus le niveau de développement d’un pays augmente, moins les femmes entreprennent. Les 74 économies examinées font apparaître des différences substantielles dans les taux de TEA [Total Early-Stage Entrepreneurship Activity] des femmes, allant de 3% à 37%. Les pays à forte parité proviennent de deux régions : l’Asie (Indonésie, Philippines et Vietnam) et l’Amérique latine (Mexique et Brésil) comme nous le disions un peu plus haut. En effet, le TEA brésilien avoisine les 20%. Ce n’est pas du tout le cas de la majorité des pays européens : le taux d’activité entrepreneuriale féminin en Espagne est en dessous de la moyenne européenne (6,3%), elle-même très faible, et se place à 4,7%. Il reste tout de même supérieur aux taux français (3,4%) et italien (3,3%).

 

L’implication des femmes entrepreneures dans le commerce international et le processus d’internationalisation

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Les entrepreneurs se lancent dans le processus d’internationalisation lorsqu’ils estiment que leurs débouchés sont pertinents à l’échelle mondiale et qu’ils ont l’ambition de vendre sur des marchés extérieurs à leurs pays d’origine. Ces ambitions peuvent être stimulées parce-qu’un marché intérieur est trop petit ou trop concurrentiel. De facto, de nombreux facteurs – réglementaires, géographiques ou culturels – peuvent permettre ou encourager les entrepreneurs à vendre en dehors de leurs frontières nationales. Entrepreneures et entrepreneurs sont-ils égaux devant le processus d’internationalisation ?

 

La réponse est malheureusement non. Il existe un véritable effet du genre lorsqu’un entrepreneur ou une entrepreneure souhaite développer et vendre ses produits et/ou services à l’échelle mondiale. En effet, certaines contraintes sont susceptibles d’entraver les entrepreneures dans leur démarche à l’international, notamment :

  • La crédibilité
  • Les difficultés liées aux déplacements à l’étranger
  • La légitimité dans l’organisation
  • Les difficultés d’accès au financement, aux réseaux et aux structures d’aides

Aujourd’hui, de nombreuses femmes parviennent à concilier réussite professionnelle et personnelle malgré un sentiment de « culpabilité » ressenti. Cependant une réelle tension, ou « charge mentale », peut exister entre les exigences supplémentaires propres au développement à l’international et les exigences d’une vie familiale.

Il existe également des facteurs géographiques au processus d’internationalisation. Seulement 6% des femmes entrepreneurs d’Afrique subsaharienne souhaitent s’internationaliser contre un peu plus de la moitié des hommes. Dans la région MENA [Middle East and North Africa], 29% des femmes entrepreneures sont considérées comme ayant une activité à l’international – à noter que ce taux est supérieur à celui des hommes.

Aussi, le commerce régional peut être une pratique courante dans certaines régions. Une culture et une langue communes peuvent tout à fait le faciliter et l’encourager, de même que les politiques commerciales telles que celles établies par l’Union européenne. La moyenne élevée en Amérique du Nord est due au Canada, où 32% des femmes entrepreneurs représentent au moins 25% des ventes sur les marchés internationaux. Cela contraste avec les États-Unis à 9%.

 

Les principaux freins et drivers de l’entrepreneuriat féminin

Les principaux freins sont :

  • La peur de l’échec: L’étude « l’Observatoire BNP Paribas de l’entrepreneuriat féminin » effectuée auprès de 810 femmes entrepreneures françaises par le cabinet d’études Occurrences montre que le premier frein réside dans la peur de l’échec financier, qu’il s’agisse de l’échec de l’entreprise entière ou de la peur de ne pas pouvoir se verser un salaire.
  • Le manque de confiance en soi est un autre frein pour 16% des femmes sondées. Il y a une réelle nécessité de mettre en avant des modèles féminins de réussite pour lutter contre ce manque de confiance.
  • Les femmes ont tendance à entreprendre en autarcie sur le plan financier avec des investissements de fonds propres, et sur le plan relationnel – seulement une femme entrepreneure sur deux appartient à un réseau professionnel.

 

Pour ce qui est de ce qui motive les femmes à entreprendre, on ne retrouve qu’en cinquième position « gagner plus d’argent ». Cela représente 11% des femmes interrogées. Avant cela, il y a :

  • Une réelle envie de se sentir plus autonome
  • Donner plus de sens à leur vie
  • Obtenir une vie personnelle et privée plus équilibrée

 

D’après Miruna Radu-Lefebvre, professeur d’entrepreneuriat à l’école de commerce Audencia en France, « les femmes créent une entreprise par nécessité, quand les hommes ont plutôt tendance à saisir une opportunité ». Les femmes entrepreneures décident de créer des entreprises qui correspondent à leurs valeurs personnelles et offrent une liberté et une flexibilité par exemple en matière de planification.

Erica Nicole, entrepreneure américaine qui a quitté Corporate America pour créer son entreprise YFS Magazine, explique que « Le plafond de verre qui limitait jadis le cheminement de carrière d’une femme a ouvert une nouvelle voie vers la possession d’une entreprise, dans laquelle les femmes peuvent utiliser leur sens aigu des affaires tout en créant des liens familiaux solides ».

 

L’entrepreneuriat féminin n’est pas une tendance nouvelle

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Depuis une vingtaine d’années, l’entrepreneuriat féminin s’est petit à petit imposé, avec une nette accélération ces cinq dernières années. Forbes écrivait déjà en 2012 « Entrepreneurship Is The New Women’s Movement » parlant d’une révolution silencieuse similaire à celle des années 1970, mais une révolution surtout durable.

Des nombreuses organisations, associations, pépinières, événements, communautés et réseaux ont vu le jour et fleuri afin de pallier l’écart de genre et d’aider les femmes entrepreneures à :

  • Créer des réseaux
  • Prendre confiance en elles
  • Apprendre des femmes qui ont réussi

 

On pense notamment à la création de l’UN Women en juillet 2010 qui a pour objectif de « promouvoir la parité et l’autonomisation des femmes partout dans le monde » et qui le fait notamment avec son mouvement #HeForShe, des événements TED Women et TEDx Women mettant en lumières ces femmes qui ont réussi, des réseaux, des business clubs internationaux, régionaux, et locaux. Il existe même un jour dédié aux femmes entrepreneures : c’est le WED ou « Women’s entrepreneurship day ».

Un an après les scandales qui ont vu naître le mouvement #MeToo, il est important de se rappeler que ce mouvement ne se limitait et ne se limite pas au harcèlement et aux agressions sexuelles. Il s’agit également d’égalités de carrière et de salaire pour travail égal. En effet, bien que de nombreux progrès aient été réalisés dans plusieurs domaines, il reste des défis à relever tant pour les femmes entrepreneurs que pour toutes les autres.

 

Cependant, les beaux jours semblent devant nous. En effet, comme le disait Hillary Clinton, « Les femmes sont le plus grand réservoir inexploité de talents au monde » – il serait donc dommage de ne pas l’exploiter.

 

Loren Bousquet